Élections syriennes: un processus inédit et largement contesté

Élections syriennes: un processus inédit et largement contesté

Les scrutins qui devaient initialement démarrer le 15 septembre ont été reportés « pour des raisons de sécurité », selon le comité électoral, et ouvriront finalement le 5 octobre.

Composition et mode de désignation

Le parlement à venir comptera 210 élus. Un tiers sera directement nommé par le président, les deux tiers restants étant désignés par des commissions locales elles aussi nommées par l’État.

Des comités similaires ont été établis dans toutes les régions, à l’exception des zones échappant au contrôle de Damas, notamment la Soueïda au sud et les provinces de Hassaké et de Rakka au nord/nord‑est, partiellement contrôlées par les Kurdes.

Représentation des minorités et participation

Les Syriens ne sont pas directement appelés à voter, mais le dispositif est présenté comme une étape vers une représentation plus large après plus d’un demi‑siècle de régime autoritaire. Dans le gouvernorat de Damas, environ 2000 candidatures ont été enregistrées, regroupant ingénieurs, artisans, anciens opposants et ex‑combattants, la plupart se présentant de manière indépendante, sans affiliation partisane.

Les candidatures seront examinées par chaque comité provincial pour sélectionner les parlementaires. L’objectif affiché par les autorités est d’obtenir un panel reflétant la diversité de la population, dans le cadre d’un processus de transition promis par les nouveaux dirigeants islamistes.

La responsable du haut comité électoral évoque des difficultés concernant la représentation féminine: « Nous avons mis en place un quota de 20 %, mais nous n’avons pas trouvé suffisamment de candidates ».

Perceptions et analyses indépendantes

Cependant, la démarche ne convainc pas tout le monde. « Le président cherche à consolider un nouvel État autoritaire et à concentrer le pouvoir », estime Joseph Daher, chercheur associé au Centre international de Bonn pour les études sur les conflits. Il indique que ce processus peut viser à donner une forme de légitimité vis‑à‑vis des puissances occidentales, à l’image de la conférence de dialogue national tenue à Damas en début d’année.

« Une certaine mascarade », déclare-t-il. Depuis la chute de Bachar al‑Assad en décembre 2024, le groupe Hayat Tahrir Al‑Cham (HTC) contrôlerait toutes les institutions — officielles et parallèles — et les réseaux informels. Le pouvoir chercherait aussi à renforcer sa domination en contrôlant les conférences publiques et en multipliant les mesures répressives.

Pour le chercheur, le nouveau Parlement servirait à « donner des gages superficiels » à certains secteurs de la société et surtout à rassurer les États occidentaux sur une transition politique en marche, sans changer fondamentalement le cadre du pouvoir.

Voix critiques et limites réelles

Interrogé sur le pouvoir réel de cette assemblée, Joseph Daher explique ne pas nourrir de grandes attentes. « Si quelques personnalités issues de courants démocratiques ou de minorités ethniques ou religieuses lèvent la voix et relaient certaines demandes, ce serait déjà positif, mais leurs capacités d’action resteront limitées », nuance-t-il.

Selon lui, cette assemblée ne remettra pas en cause le pouvoir central et l’opposition structurée demeure faible. « La capacité de mobilisation est extrêmement faible », résume-t-il.

Contexte régional et perspectives

D’après Daher, le gouvernement s’appuie sur la question confessionnelle pour asseoir son pouvoir, se présentant comme représentant d’une majorité sunnite et laissant de côté une réalité régionale plus complexe, marquée par des violences envers des civils issus des minorités alaouites et druzes ces derniers mois.

Cependant, une partie importante de la population semble prête à accorder du temps à l’équipe dirigeante, après la chute du régime Assad. Le chercheur rappelle que, malgré la reconnaissance internationale et le contrôle des institutions, le Parlement ne constitue pas une opposition structurée et que la capacité de mobilisation demeure limitée.

Reportage à Damas: Manon Chapelain