Nouveau système totalitaire: réinvestir le réel et s’unir pour résister
Nouvelle réalité démocratique et montée de la fluxcratie
Les crises récentes — subprimes, Covid-19 et guerre en Ukraine — ont bouleversé nos repères sans les résoudre pour autant. Selon Asma Mhalla, ces épisodes ont été neutralisés et laissent émerger un sentiment d’incertitude et de dissolution, posant les bases d’une nouvelle forme de fascisme.
DÉMOCRATIE DÉVITALISÉE ET FLUXCRATIE
La politologue décrit l’émergence d’une fluxcratie, une dictature du flux et du bruit permanent qui, selon elle, peut conduire à ce que tout se tienne à égalité. Quand tout se vaut, le pire devient possible. Elle illustre ce phénomène avec ce que vit les États-Unis, où la démocratie serait vidée de sa vitalité.
Elle observe que, même si les juges continuent de statuer et que les manifestants peuvent toujours manifester, l’impact peut rester nul: une réalité alternative naîtrait et mènerait à deux mondes parallèles qui ne se croisent plus. Face à une métacrise, le fascisme serait alors une résurgence et une réponse d’un système en train de s’effondrer, exprimant sa colère et son ras-le-bol.
FASCISME HYBRIDE ET FASCISME SPECTACLE
Mhalla évoque l’émergence d’un fascisme hybride, influencé par des figures comme Donald Trump, Elon Musk et Mark Zuckerberg, et multiplié par les réseaux sociaux qui agissent comme outils d’embrigadement et de propagande. Le fascisme spectacle serait caractérisé par une surenchère d’images et une saturation de l’attention, plutôt que par un rôle de gouvernance traditionnel.
Rappelant le cadre général, elle affirme que le fascisme renaît à chaque métacrise comme la continuation d’un système qui s’effondre et qui exprime sa colère et son ras-le-bol.
MISER SUR L’UNION ET LE RÉEL
Face à la dissolution des repères, Asma Mhalla appelle à réinvestir le réel et à considérer la réalité comme une poche de résistance. Elle conclut son livre par un appel à recréer du lien et du sens, et à transformer la masse en une légion capable de résister à l’impuissance face à la multiplicité des catastrophes. Elle met également en garde contre le recours exclusif aux réseaux sociaux, jugés saturés par le nouveau régime de vérité dominant, notamment aux États-Unis.
Ces gens-là sont forts parce que nous sommes faibles, et nous sommes faibles parce que nous sommes isolés, rappelle-t-elle.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey. Article web: Julie Marty.